Faut-il faire stériliser son lapin nain ?

La stérilisation ou la castration d’un lapin est toujours un instant d’appréhension, car l’anesthésie des Nouveaux Animaux de Compagnie est connue pour être risquée. Le Dr Mélanie Coquelle vous propose de faire la part des choses sur la nécessité ou non de faire opérer votre animal, mais également sur les inquiétudes liées à l’anesthésie.

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Stériliser lapin
Crédits photos - Shutterstock / nicepix

L’opération lors de difficultés comportementales

Les lapins sont des animaux très territoriaux une fois arrivés à l’âge adulte. Cela se manifeste par plusieurs comportements qui peuvent être gênants en appartement, notamment : marquage par des jets d’urine chez le mâle, apparente malpropreté du mâle et de la femelle (crottes en dehors de la litière), agressivité liée au territoire…

Le plus fréquent est la femelle défendant sa cage en grognant, en attaquant et en mordant lorsque vous souhaitez l’en sortir, nettoyer sa litière ou simplement lui donner sa gamelle. La cage dans ce cas joue le rôle de terrier pour elle, et certaines sont particulièrement impressionnantes lors de ces attaques, bien que généralement plus calmes une fois sorties. Le caractère des femelles est par contre particulièrement prononcé à partir de la puberté et certains soins peuvent devenir quasiment impossibles comme la coupe de griffe ou le brossage !

Le mâle est souvent plus calme en captivité, contrairement à son comportement dans la nature où les combats entre lapins mâles ou entre lièvre sont réputés pour être particulièrement violents (parfois jusqu’au décès de l’adversaire). Certains lapins mâles peuvent cependant devenirs agressifs même en dehors de la cage et mordre les mollets de l’un des propriétaires.

Dans le cas de la cohabitation entre deux lapins de même sexe à la maison, des conflits peuvent apparaître et causer de graves blessures.

Les lapins sont également connus pour avoir une reproduction très active et non saisonnière, c’est-à-dire que les chaleurs durent toute l’année. Chez le mâle, cela cause souvent une recherche permanente de l’accouplement : avec une peluche, avec le chat, avec les pieds… Cela peut se révéler gênant lorsque ce comportement est ininterrompu, ou lorsque des enfants sont présents à la maison. Les femelles sont moins sujettes à ce comportement mais il peut aussi arriver qu’elles cherchent à chevaucher un congénère.

La stérilisation et la castration met un terme à ces compor ements qui sont tous liés à l’activité hormonale dès la puberté. C’est donc une bonne idée si votre lapin(e) est agressif(ve) à partir de ses 4-6 mois, si votre lapine adopte un caractère de cochon, si votre lapin présente des comportements sexuels gênants, ou tout simplement si vous souhaitez faire cohabiter deux lapins sans risque de blessure ni portées ! Il faut alors compter 2 à 3 semaines après l’opération pour que le comportement se stabilise, et rassurez-vous, votre lapin restera sociable et câlin !

L’opération pour raison médicale

Chez le mâle, les raisons médicales de castrer un lapin sont peu fréquentes. Comme tout animal, des tumeurs testiculaires sont possibles, le plus souvent bénignes (gonadoblastomes, séminome, leydigome), mais elles sont assez anecdotiques.

La pathologie de la reproduction la plus fréquente pour le lapin mâle est une incontinence urinaire. En effet, au cours de la croissance les testicules du lapin descendent de l’abdomen vers le scrotum en position extra-abdominale. Le passage en dehors du ventre se fait par un orifice appelé anneau inguinal, qui reste assez large au cours de la vie du lapin. En vieillissant, le lapin voit son anneau inguinal se relâcher un peu, ce qui peut parfois aboutir au passage de la vessie dans le scrotum. Cela a pour conséquence une dysurie, c’est-à-dire que le lapin se met à être malpropre et uriner par petites quantités. Dans le cas extrême, il ne parvient plus du tout à uriner, ce qui est une urgence vétérinaire.

Pour la lapine par contre, la réponse des vétérinaires est unanime : il est indispensable de la stériliser ! En effet, les lapines de plus de 3 ans présentent un risque de 50 à 80% de développer une tumeur utérine maligne, l’adénocarcinome utérin ! 1Il s’agit d’une tumeur qui évolue souvent à bas bruit jusqu’à provoquer des saignements utérins ou des douleurs aboutissant à une perte d’appétit, un abattement et un ralentissement de transit. Cette tumeur peut également se propager dans les poumons et causer de sévères difficultés respiratoires, on parle alors de métastases ou de cancer généralisé. Dans ce cas, le fait d’opérer ne prolonge plus la durée de vie de la lapine, et peu de traitement anticancéreux sont possibles pour ralentir l’évolution du cancer.

Le rôle de l’activité hormonale a largement été démontré dans l’apparition de ces cancers, et la stérilisation prévient cette situation de manière très efficace 2. Faire opérer sa lapine jeune permet donc d’éviter le risque de cancer.

Quel risque anesthésie lors de l’opération ?

La réponse est différente pour le mâle est la femelle car la castration et la stérilisation sont deux opérations très différentes. En effet, si dans le cas du mâle l’intervention consiste à retirer les testicules à l’intérieur de leur bourse (appelée scrotum), la stérilisation de la femelle implique d’ouvrir la cavité abdominale pour retirer les ovaires et l’utérus. On parle alors d’ovariohystérectomie. La seconde opération est beaucoup plus lourde et requiert une anesthésie plus profonde.

Chez le mâle, une anesthésie au gaz associée à un antidouleur (en injection et parfois aussi locale, au niveau du testicule) suffit, et le risque anesthésique est proche de zéro.

Chez la femelle, le gaz est également utilisé mais il est généralement nécessaire d’associer d’autres molécules en injection pour permettre un sommeil assez profond et un effet antidouleur suffisant. Le risque anesthésique dépend de plusieurs facteurs :

  • la profondeur de l’anesthésie afin que l’animal dorme assez profondément mais pas trop
  • la longueur de l’anesthésie : plus elle est longue, plus le risque augmente
  • l’état de santé et le stress de l’animal
  • son âge (dans le cas d’un animal de plus de 3-4 ans, un bilan sanguin est recommandé)
  • le dépistage de maladies silencieuses comme la Pasteurellose (dites aussi asymptomatiques)
  • la mise en place de sécurités : cathéter intraveineux, intubation, surveillance anesthésique (appareil de monitoring et/ou personnel formé en anesthésie) De nombreux vétérinaires multiplient les mesures pour réduire ce risque anesthésique, par exemple en hospitalisant votre lapine la veille de l’opération, en administrant un anti-stress, en posant un cathéter, en réalisant une radiographie des poumons si votre lapin a déjà eu un historique de rhinite (« rhume » ou « coryza »), assistant(e) dédié(e) à l’anesthésie, machines anesthésiques...

Tout niveau de précaution confondu, le risque de décès lors d’une anesthésie a été estimé à 1,4%3. Bien que cela soit 10 fois plus élevé que pour les chiens et les chats, on rappellera que d’une part, cela englobe l’ensemble des animaux dont des lapins opérés malades (difficultés respiratoires, infection, douleur, tumeur utérine…), et d’autre part que cela reste bien en dessous des 50-80% de risque de développer une tumeur utérine qui amène le risque de décès à 100%.

La stérilisation demeure donc toujours une bonne idée, n’hésitez pas à en parler à votre vétérinaire qui pourra vous préciser les précautions mises en place pour diminuer le risque anesthésique !

En résumé : prendre ma décision

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1- WEISBROTH 1994, BABA et al. 1972, INGALLS et al. 1964 2- GRIFFITHS 1975 3- WENGER S. 2012